Eugène Rambert (1830-1886)

Editorial


Professor für französische Literatur an der Polytechnischen Hochschule, Zürich;
ab 1881 Prof. der Akademie Lausanne

mit Keller befreundet; Briefwechsel seit 1871

 


 

5. 11. 1871  Eugène Rambert an Keller

<ZB: Ms. GK 79f1 Nr. 5> 

Hottingen, près Zurich, le 5 nov. 1871.

Mon cher Monsieur,
 
J'apprends que vous allez faire paraître prochainement un volume de nouvelles. Permettez-moi de vous faire à ce sujet une proposition qui ne peut avoir de valeur que pour le cas où la mise en vente n'aurait pas lieu avant trois semaines.

     Je suis convaincu que la Bibliothèque universelle serait très heureuse de donner la traduction en français d'une de vos nouvelles au moment même où elles paraîtront en allemand. Seulement, il est dans ses principes de ne pas donner la traduction d'un ouvrage déjà connu, et c'est pourquoi je suis obligé d'indiquer ce terme de trois semaines, la Bibliothèque ne paraissant qu'une fois par mois, le premier du mois.

     Je n'ai pas de grands avantages | pécuniaires à vous offrir. La Bibliothèque paie, en général, ses articles à raison de 50 fr. la feuille de 16 pages, et quand il s'agit d'articles traduits, ce n'est, à l'ordinaire, que 40 fr. Mais j'ai pensé qu'il vous serait peut-être agréable d'être immédiatement introduit devant le public de la Suisse française. La traduction serait faite par ma femme, qui est de la Suisse allemande (de Zofingen) et elle ne passerait à l'imprimerie qu'après avoir été revue par moi avec le plus grand soin. Si, comme il y a tout lieu de l'éspérer, cet essai trouvait bon accueil, nous serions très disposés à chercher les moyens de pousser ce travail plus loin. Il y aurait dans vos oeuvres éditées et inédites de quoi faire un charmant volume pour la Suisse française.

     Je ne suis pas autorisé par le directeur de la Bibliothèque, M. Tallichet, à vous faire cette ouverture; mais je suis | parfaitement sûr qu'il ratifiera la proposition que je vous fais, à moins d'obstacle majeur. Je lui envoie une copie de cette lettre en même temps que je vous l'adresse, en lui demandant réponse télégraphique.

     Si, comme je l'espère, sa réponse est favorable, et s'il n'y a pas d'obstacle de votre côté, il faudrait nous entendre immédiatement. Les articles que donnent la Bibliothèque ne dépassent guère 2 feuilles d'impression par No, soit 32 pages. 40 pages est un maximum. Si la nouvelle par vous choisie était plus longue, elle se partagerait. Mais, en tout cas, le temps presse. Il faudrait que les 2 premières feuilles passent traduites en une dixaine de jours.

     Je crois vous avoir dit précédemment que je songeais à un article critique destiné à populariser votre oeuvre dans la Suisse | française. Il viendra. Je serais trop heureux s'il était précédé d'une traduction d'une de vos nouvelles. Ce que peut faire la critique, même la plus bienveillante, ne vaut pas l'auteur présenté directement au public.

     Si vous jugez que l'affaire mérite que nous en causions, soyez assez bon pour me donner un rendez-vous demain soir, par exemple, ou à tel autre moment, aussitôt que vous pourrez et où vous voudrez. - Demain, signifie lundi. Je vous écris ce soir, dimanche, assez tard. Mon adresse est: Jakobsbrunnen, Hottingen. (Tout près de la Post-Ablage d'Hottingen).

     Adieu, mon cher Monsieur, et croyez-moi
                                  votre tt dévoué
                                  E. Rambert prof.

  


 

9. 12. 1871  Eugène Rambert an Keller

<ZB: Ms. GK 79f1 Nr. 6; GB 4, S. 143> 

Hottingen, près Zurich, le 9 déc. 1871.

Mon cher Monsieur,
 
Ma femme a été souffrante ces temps passés. Une migraine, qui l'a fort tourmentée, s'est continuée par des maux de tête qui ont duré plusieurs jours. De là les retards qu'a subis son travail. Elle a traduit la Petite Légende de la Danse, le Mauvais saint Vitalis et Eugenia. J'ai revu les deux premières traductions. Je suis en train de revoir la troisième. J'aurai fini très prochainement, j'espère demain soir. Je ne veux cependant pas vous laisser plus longtemps sans nouvelles de vos précieux manuscrits. Je vous en renvoie 3, ci joints, ne gardant pour 48 heures encore qu'Eugenia.

     Je trouve ces légendes de plus en plus originales, | piquantes, charmantes. Ma femme pense de même. Elle ne fait qu'une objection, savoir que pour un homme qui est encore à marier vous connaissez trop bien les femmes.

     Si nous n'avons pas abordé la quatrième, ce n'est point qu'elle nous paraisse inférieure aux autres, mais pour ne pas vous entraver trop longtemps. Si, comme je l'espère, nous réussissons à bien placer les autres, on pourra toujours traduire celles qui ne le sont pas encore. Je vous tiendrai au courant de ce que je ferai, et ne donnerai pas le bon à tirer sans vous avoir soumis une épreuve.

     Encore une fois, mon cher Monsieur, merci. Et veuillez m'excuser s'il nous a fallu tant de temps. Les mères de famille ne sont pas toujours maîtresses de faire tout ce qu'elles voudraient, surtout lorsqu'elles ont une santé délicate. |

     Je vous renvoie, en outre, ci-joint la nouvelle en feuilletons. Si jolie qu'elle soit, les légendes me paraissent mieux faites pour piquer la curiosité d'un public français.

     Adieu, mon cher Monsieur, et croyez-moi votre tout dévoué
                                  E Rambert.

  


 

10. 12. 1871  Keller an Eugène Rambert

<SLA: Nachlaß Eugène Rambert; GB 4, S. 144>

Mon cher Monsieur
 
Je suis en train de finire la dernière Legende c'est à dire la fin du petit livre. Ne vous hâtez donc pas trop avec Madame Eugenie, je pense que la semaine passera encore avant de faire partire mon manuscriptum.

     Je vous remercie humblement de votre très bienvieillante et trop flatteuse lettres, qui m'encourage cependant un peu à croire, que la chose ne soit pas tout à fait manquée

     Quant à ma connaissance des femmes, elle n'est point grande, autrement je me serais marié de bonne heure. Mais autre chose est de peindre les | beaux nuages du ciel, comme l'on les voit de loin, l'un les reproduit semblablement mieux que l'autre sans que toutefois tous les deux sachent la moindre chose de leur véritable forme et matière.

     Hier soir il faisait très froid au Kunstlergutli, aussi il n'y avait que six personnes, dont vous n'avez pas fait part.

     Votre très devoué
                                  G. Keller
Zurich 10 Dec. 71.

  


 

25. 12. 1871  Eugène Rambert an Keller

<ZB: Ms. GK 79f1 Nr. 7; GB 4, S. 144> 

Hottingen près Zurich, Mercredi 25 déc 1871

Mon cher Monsieur,
 
Voici enfin votre manuscrit. Vous trouverez dans un pli à part deux feuilles auxquelles il est arrivé un accident, ce sont les deux premières. Vous les retrouverez, mais copiées de la main de ma femme, à leur place naturelle, en tête du manuscrit. Ma femme s'est donné quelque peine pour copier de son mieux, d'une écriture bien lisible, et sur un papier identique au vôtre. Mais il n'en reste pas moins que le manuscrit n'est plus comme auparavant d'une seule et même écriture, plus identique à ce qu'il était quand vous nous l'avez livré, ce dont elle a grand chagrin et ce qu'elle vous prie de lui pardonner. - C'est mon mâtin de petit garçon qui s'est jeté sur elle au moment où elle travaillait et par un brusque mouvement a renversé l'encre sur | la table. Cet accident, arrivé l'autre jour, n'était pas encore complètement réparé hier, c'est pourquoi je ne vous en ai rien dit, de peur que vous n'empêchiez ma femme de terminer une copie qu'elle avait à coeur de terminer. C'est aussi pourquoi, après vous avoir introduit, elle s'est sauvée et n'a plus reparu, ayant peur de vous comme de sa conscience.

     Encore une fois, mon cher Monsieur, soyez indulgent pour un malheur qui nous a fait un très vif chagrin.

                                  Votre tout dévoué
                                  E Rambert

  


 

22. 1. 1872  Keller an Eugène Rambert

<SLA: Nachlaß Eugène Rambert; GB 4, S. 145>

Monsieur!
 
J'ai découvert un terrible lapsus calami sur la feuille, qui a éte si joliment illustrée par Monsieur votre fils. Sous le "Motto" de la legende Eugénie au lieu de "5 Genesis, 22, 5" on devrait lire "5 Moïse 22, 5", parceque le nom de Genesis ne convient qu'au premier libre de moïse. Par plaisanterie j'ai voulu me donner un air de theologien savant dans la choix de ces motti, mais comme en effet je suis Böotien j'ai au lieu de "Pentat." écrit: Genes. Restons donc chez l'expression populaire de Moïse. S'il est temps encore, je vous prie | de bien vouloir corriger ce malheur ridicule, ce que vous avez cependant peutêtre déja fait. Quel beau français!

                                  Votre très devoué
                                  G. Keller
Z. 22. I. 72.

  

Editorial       Keller Seite       HKKA